Semaine 5 – la question du temps et des liens

Esprit du film es-tu là ?

Je suis là…

Ah oui, je te devine, mais tu manques d’une forme continue, liée et liante. Tu affleures et ne demande qu’à éclore. Qu’à prendre l’espace et entretenir des connexions sous jacentes récurrentes.

Je te travaille du temps qui passe, je te pense des liens entre tes séquences qui s’expriment parfois sous forme de rupture franche et décalée, à l’image de ce plan tranchant de Thomas qui sort son canif de l’espace (si, si, tellement heureuse de l’avoir trouvé celui-là, pour un peu j’ai l’impression qu’il m’appartient ce plan).

C’est l’heure où je rebalaie mes timeline de rushes et où m’apparaissent des PINI – des Plans Intéressants Non Identifiés.

Mais oui… c’est bien ça dont j’ai besoin. Mais oui… celui-là va assoir cette trame narrative.

Je repêche même une séquence qui n’a pu m’apparaitre que maintenant  : combinaison d’un plan nocturne assez cracra mais très émotionnel de nos cosmonautes dans la coupole, mis en rapport avec des vues de la terre… Ils nous observent…

Quand le film est né, il faut l’habiller, et l’habiller consiste à faire que chaque plan ait sa raison d’être, qu’il en appelle le suivant et que les choses s’enchainent – c’est à dire que leur juxtaposition narrative fasse sens, rupture, ou émotion.

Bienvenue dans mes images…

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Temps = émotions ?

Une question, l’émotion en montage nécessite-t-elle forcément « du temps » ?

Le temps du plan. Le temps du vide. Le temps de l’attente. Le temps de la contemplation.

Le temps de sentir, et donc de ressentir.

Peut-on monter « efficace » sans tuer tout l’espace qu’il faut pour regarder, imaginer, être en empathie avec le personnage ?

A l’inverse, comment éviter le piège de la petite longueur en trop qui fait tomber tout l’édifice ? Cet équilibre permanent entre surprendre, être au bon endroit, au bon moment, et quand même, laisser vivre !

C’est pareil au son. Laisser le temps, laisser le synchrone, laisser l’espace, ne pas le remplir avec de la musique ou du commentaire. Les faire venir au bon moment. Ecrire avec comme un feutre de couleur. Il trace quelque chose sans tout gribouiller.

Semaine 4 – ossature

Tous les modules sont prêts. Assemblage. Rouage. Mécanique.

J’assemble.

J’y passe concrètement deux journées. Je structure les différents éléments montés séparément ou pas encore montés. Puis je programme un visionnage avec le réalisateur et le producteur du film.

C’est le temps du premier visionnage de cette chose étrange : non pas un film, mais la promesse d’un film.

(Aïe, aïe, aïe, c’est parfois bien tiré par les cheveux mon grand collage).

Voilà…

On a tous regardé. On peut parler.

C’est l’heure d’affiner notre histoire. Notre héros. De tracer (le bon) le chemin.

Comme d’habitude je constate l’importance du dialogue entre le montage et l’écriture de l’histoire. Une histoire permet de démarrer un montage, puis le montage re-nourrit l’histoire, alors l’histoire reprend la parole, et le montage vient rattraper son retard, mais voilà qu’à nouveau il prend de l’avance, alors l’histoire trouve ça géniale, et creuse et s’affine, et les voilà liés : histoire et montage, paroles échangés et plans montés.

Nous sommes vendredi, je laisse sur ma table de montage des post-its déchirés dans tous les sens par mon réalisateur en pleine reconstruction du film. Espérons que le week-end n’efface pas tout !

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Semaine 3 – vue du ciel

La semaine trois, c’est celle qui permet d’avoir la première vue d’ensemble.

Je connais mes rushes, je sais où ils se trouvent dans la machine, je les ai pré-montés, j’ai une première idée de ce que je peux faire avec, où ils m’emmènent et où je les conduis. On s’est testé. J’ai expérimenté plusieurs pistes d’écriture : du reportage à la séquence cinématographique pour suivre les codes, mais la plupart du temps, je suis inspirée par le tournage. Le « style » du tournage guide mon découpage. Et il n’y a pas de mystère : c’est plus facile de monter quand c’est « délicieusement » tourné ! Point de vue et mise en scène sont mes grands amis. Je chasse les plans amusants, émouvants et la création, par leur assemblage, d’un sens thématique et immersif. 

J’ai construit 33 minutes, le début du film. Ensuite je l’ai dé-construit et re-construit pour arriver à 22 minutes. Puis j’ai assemblé des modules sons-images-musique par thématique pour la partie « mission dans l’ISS » car toute la matière n’est pas encore là. Je dessine Thomas dans le film à l’image de ce qui m’est offert. 

Finalement c’est un peu comme si je montais un film d’archive maintenant. J’ai des éléments documentaires provenants de multiples sources : web, NASA, ESA, caméra personnelle, etc… quelques sources sonores. De la matière déjà relayée sur les réseaux sociaux, une autre inédite. 

Quelle valeur ajoutée apporte le film ? Comment le montage met en scène une histoire qui se raconte aussi dans les medias ?

Pleins de questions en cours de fabrication. Mais une chose est sûre, j’ai une vue d’ensemble maintenant. 

La terre vue du ciel, le film vu de l’Avid. 

Habiller la séquence

LA MONTEUSE
Il me faut des plans pour habiller la séquence !

Je l’habille légèrement ? Elle risque de paraître « dénudée »… mais ça peut avoir sa force. Quelques plans, juste pour lier.

Si je l’habille de trop, ça va se voir, ça va l’épaissir. La surcharger. La séquence « bibendum michelin ».

Non, j’ai besoin de plans à sa bonne mesure, taillés pour elle, conçus pour un beau montage, pensés, cherchés, trouvés.

Désolée mon cher Réal, mais il va falloir retourner de quoi habiller l’interview dans le taxi !

Semaine 1 – Faire les bons choix

Journal de bord du montage du film sur Thomas Pesquet pour la 25ème heure production.

Semaine 1 – Faire les bons choix

Je rentre dans la petite salle où travaille Marie Estelle, la merveille merveilleuse qui est assistante sur ce projet (et monteuse elle-même par ailleurs).

MARIE ESTELLE
Tu veux voir la tête d’une assistante qui se décompose ?

Euhhhh… pas sur.

Je m’assoie, je l’écoute.

On reçoit des rushes de partout, l’ESA, la NASA, et question transcodage va y avoir du travail. Donc faire les bons choix ça a déjà commencé : choisir Marie Estelle qui assure.

NTSC, HD, 6K, 4K, go pro, RED, j’en passe et des meilleurs, on opte pour l’harmonisation de toutes les sources.

Ça mouline sur plusieurs ordinateurs… l’espace, la terre, l’ISS, passent à la moulinette du 25p.

Comme il parait que le superbe tableau de Marie Estelle a déjà fait « le tour du bulding », elle pourra désormais dire qu’il a fait le tour du web !

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Semaine 2 – Embarquer dans le vaisseau

Des rushes qui tombent comme des météorites. D’autres qui filent comme des comètes…

LE REALISATEUR
JOUR 4
Tiens y’a cette séquence là ! Prends tous les rushes ici !

LE REALISATEUR
JOUR 6
Ah ça ! Finalement non, ça ne fait pas partie du projet !

A peine rentrés dans l’AVID déjà expédiés ailleurs… qui me dit qu’ils ne reviendront pas plus tard…

J’embarque dans le vaisseau… et je me construis le mien. L’AVID c’est mon ISS pour 8 semaines. Je fais mes bins, j’organise, je tri.

Je regroupe les plans par thématique, j’en reçois tous les trois jours, j’ai beaucoup de mal à avoir une vue d’ensemble.

Je ne fais pas 16 fois le tour de mes rushes par jour, contrairement à Thomas qui fait 16 fois le tour de la terre par jour, mais j’organise des grands continents, des espaces de montage, dans lequel je laisse des trous noirs, en attendant les plans dont on m’a parlé mais que je n’ai jamais vu.

Il semble que je serai « livré » jusqu’à la fin du montage. J’aurai moi aussi des « cargos » régulier d’images, avec des surprises et des éléments attendus qui viendront modifier mes constructions à trous !

Justement, la séquence DOCKING CARGO dans laquelle Thomas « amarre » le cargo HTV comporte 3 plans noirs ! les plans du fameux cargo en bonne def dont voici une photo.

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