Aujourd’hui en salle de montage :
– En revanche ce plan-là je ne vois pas ce qu’il raconte.
– Mais si ! C’est l’idée qu’elle a peut-être un amant.
– Oui mais qu’est-ce qu’on voit ? On voit une femme qui prend le téléphone et au moment où l’on pourrait savoir qui elle appelle c’est coupé ! C’est super frustrant.
– Un téléphone que j’ai mis des mois à trouver dans une brocante !
– Ah oui mais moi je suis monteuse et ça je ne le sais pas et c’est tant mieux. Ce plan brouille les pistes. Il faut l’enlever. Poubelle.
– C’est justement une fausse piste.
– Mais comment veux-tu qu’on puisse imaginer que cette femme appelle son amant ? Dans tous les plans qui précèdent, elle est endeuillée de la perte de son fils, et elle tente de reconstruire quelque chose avec son mari. C’est ça qu’elle joue ta comédienne. Donc l’histoire de l’amant, on ne peut pas y croire ! On ne peut même pas l’imaginer. On se dit juste : mais qui elle appelle ? et ça doit être super important pour qu’on coupe avant même qu’on le sache. Et ensuite on attends la réponse tout le long du film… et forcément ça ne vient pas puisque c’était une fausse piste.
– Oui je l’aime ce plan. Je vais le laisser.
Quelques heures plus tard… pendant un visionnage…
– couic couic (je montre avec mes doigts le mouvement du ciseau)
– ah ah ah !! non !
Quelques heures plus tard…
– Allez ! Je crois vraiment que ce plan n’apporte rien.
– Oui mais je l’aime tellement.
– Alors on va essayer de lui trouver une autre place. Ou alors on l’utilise avant qu’elle prenne le téléphone. Pffff. Non, ça ne marche pas. On va l’essayer ici. Qu’est-ce que tu en penses ?
Quelques essais après…
– En fait j’aime le reflet là dans le miroir.
– Alors regarde bien : ce qui est beau dans ce plan c’est les cheveux de cette femme de dos, c’est la photo de son fils et c’est le reflet dans le miroir. C’est trois choses existent dans trois autres plans de ton film. En fait tu ne perds pas grand chose ?!
Fin de journée…
– Allez je crois que tu as raison, on l’enlève.
– On peut toujours l’enlever et puis on verra. Tu ne vas pas revenir cette nuit pour le remettre hein ?