Exercice de style – diaporama sonore

A la demande d’un ami, et parce que le format m’intéresse, je me lance dans le montage d’un diaporama sonore (ou plutôt musical). Il s’agit d’un montage de photographies sur une musique originale.

Je reçois d’abord une série de photos : des visages. Des instants d’échange entre le photographe et les modèles, plus ou moins directs ou indirects, des regards affirmés ou hésitants. Des expressions, des rires, parfois même des parties du corps quand la personne n’a pas souhaité livrer plus.

Je reçois aussi un morceau de musique de 3 minutes 30 composé dans l’esprit et sur le thème des visages. Il me plait immédiatement.

Premier constat, la synergie musique / photos existe. C’est un bon point. Par contre les photos sont assez éclectiques dans leurs lumières, leurs cadrages et les poses de leurs personnages. C’est à la fois une force et une faiblesse. Il y a une cohérence à trouver et c’est là que réside le défi. Le point positif, elles expriment toutes une spontanéité qui aurait pu être brisée par une unité formelle. Je m’appuie donc sur cette force. Ce côté brut qui me semble intéressant.

Je commence par des tests. Je trouve très rapidement les trois photos d’introduction. Je fais ensuite des associations thématiques : position des personnes, type de lumière, raccord d’émotions. 

Puis les choses s’affinent. Je trouve un rythme, une disposition, je m’appuie sur la musique. Je cherche l’alliance musique / image et images entre elles.

Je choisis et pose rapidement les images de fin. Il me semble important de baliser dès le commencement un début et une fin. C’est ce qui ne bougera plus et qui délimite, un ton, une émotion, une direction. 



Je monte tout en cut et sans aucun mouvement. Je choisis un cadrage unique car je n’aime pas les changements de la taille de la fenêtre au sein d’une même séquence.

Alors que j’étais parti pour faire de petits mouvements dans les images, je choisis finalement de laisser les choses en l’état. Il me semble plus intéressant que l’œil se promène dans l’image plutôt que de bercer doucement le spectateur avec de petits mouvements qui le rendraient totalement passif. Ce n’est pas une règle, c’est ce qui s’impose pour ce montage.

La séquence prend forme. Quelques ajustements. Et voilà. Premier diaporama monté. 
Sur FCPX et sans effet.

Capture d’écran 2013-05-12 à 13.43.57

J’ai encore rêvé d’eux

Un grand classique. Je passe trois journées de suite à rencontrer mes nouveaux rushes, en l’occurrence ceux du film sur les bijoux, je les regarde, je les reçois, je les écoute, et les coquins s’emparent de moi.

Ils viennent me rendre visite la nuit. Ils se font une petite place dans mon intérieur. Ils se glissent et s’immiscent. Ils me perturbent et créent tout un système de pensées et de connexions à mon insu !!

Ils m’enchantent aussi. Me font rêver, voyager, rencontrer. Je comprends qu’il faudra en dompter certains plus rebelles que d’autres.

Des personnalités me marquent. Je découvre leur voix, leurs tics, je les trouve si souvent bourrées de charme.

Tour à tour je me noie ou m’éloigne, je plonge ou reste sur le bord, et de ces mouvements intérieurs, je tire les conséquences et analyse les forces et les faiblesses de mes nouveaux petits rushes adorés.

Rendez-vous

Ce matin j’ai rendez-vous.

J’ai rendez-vous avec un corpus de rushes pour notre première rencontre. Ils sont nombreux. Des quantités de petits fragments. Des morceaux d’un réel passé, vécu, parlé, filmé.

Je sais que nous allons travailler ensemble pendant 5 semaines. Il va falloir s’entendre et se comprendre. Peut être ont-ils peur de rencontrer leur monteuse ? Celle qui va les couper, les découper, les jeter au panier.

Que vais-je découvrir ? Que vont-ils me dévoiler d’eux-mêmes, de leur contenu, de leurs imperfections ?

Je suis terriblement curieuse.

J’ai rendez-vous avec les rushes d’Elisabeth Coronel pour son film documentaire (26min) sur le bijou contemporain De l’or à la rouille et cela me remplie de joie.

Lisa Catterson
Collier en papier, Lisa Catterson

La timeline magnétique

Suite de mes aventures sur FCPX – premier article ici.

J’ai enfin découvert la timeline magnétique en montant 13 minutes de reportage dans FCPX. Je me suis parfois arraché les cheveux mais tout en me disant « allez un petit effort, c’est tellement agréable par ailleurs ». Car c’est ce qui est très étonnant : le plaisir qu’on peut avoir à travailler dans cette timeline.

Il faut passer outre la perte de repère des raccourcis, où l’on se maudit de s’imposer un nouvel outil, pour profiter de cette sensation où tout semble glisser.

Les plans coulissent, le son ondule avec une précision délectable, rien de véritablement novateur mais tout est si intuitif et esthétique. Il n’est finalement question que d’ergonomie.

Là où il fallait trois manipulations, il n’en faut qu’une. On déplace les plans comme on le veut. On ajuste sur le son grâce un affichage des ondes mille fois plus performant dont on ne pourra plus se passer (retour à FCP7 dur dur).

Tout est à porté de main. On peut travailler pendant la lecture et ainsi « fignoler » en temps réel. Une somme de détails dont certains diront qu’ils sont gadgets mais que je trouve au contraire fondamentaux. C’est un outil pensé pour les monteurs qui aiment leur machine et la vivent comme une extension de leur propre corps / pensée.

Les seules choses qui me manquent et qui nous valent quelques cris en salle de montage tant je me sens prise au piège c’est l’impasse sur les points d’entrée et de sortie. Si on les déplace au sein d’un plan il est impossible de se servir de l’annulation. Arrrg !!

Timeline magnétique FCPX

Vertigineuses versions et singularité du montage

De retour de vacances, à la veille du début d’un nouveau montage, je repense au drôle de calcul fait par Walter Murch :

« Une scène composée de seulement 25 plans pourra donc être montée d’environ 39 999 999 999 999 999 999 999 999 manières différentes. En kilomètres, cela correspond à huit fois la circonférence de l’univers observable »

Evidement le calcul est mathématique et une majeure partie de ces versions seraient tout à fait farfelues et vides de sens, mais tout de même.

On le sait, on l’expérimente tous les jours, de multiples assemblages s’offrent à nous et certains jours c’est vertigineux.

J’applique alors le fameux dicton : « choisir c’est renoncer » et mon cerveau tel un ordinateur se met à « calculer » en quelques secondes de multiples possibilités pour n’en sélectionner que les deux ou trois meilleures, les partager, les discuter, les tester.

Cela m’amène à une seconde réflexion.

Je me suis souvent interrogé, lors de mes précédentes aventures cinématographiques, sur l’impact du choix du monteur une fois le film terminé.

Ou autrement dit sur la singularité de mon travail.

Comment un autre monteur aurait-il traité les rushes ? Le film aurait-il globalement le même fil conducteur ? Et dans les détails ? Quelles seraient les variations ?

Le montage d’un film est-il comparable au travail du comédien sur un texte imposé ? On s’en empare, on s’y projette, et de nos échanges avec le réalisateur se prennent des décisions souvent bouleversantes et importantes.

J’ai eu plusieurs fois l’impression de colorer le ton du film, de tisser une toile parmi deux ou trois autres possibles et tout aussi valables, ou de travailler la narration d’une manière si particulière, que je ne pouvais pas m’empêcher de penser qu’un autre échange avec une autre personne aurait sans doute donné un autre film. Pas mieux ou moins bien, pas forcement moins satisfaisant pour le réalisateur ou le spectateur – qui le saurait d’ailleurs ? mais simplement autre.

Alors évidement à la fin de chaque montage j’ai l’impression avec le réalisateur d’avoir fait le meilleur film possible, d’avoir poussé au maximum la recherche, les expérimentations, d’avoir mis en perspective le désir originel – il est bien là en bout de course.

Et si nous sommes pleinement satisfaits, heureux et fiers, c’est donc que nos ambitions se sont bien rencontrées et mélangées… et que de cette rencontre, de ce chemin de montage, de ces propositions validées ou rejetées, est né un film – ce film.

Aussi je pense maintenant que tout bon montage est unique. Il témoigne d’une rencontre et d’un temps donné. La seule hypothèse de contrôle total à ce niveau serait le film monté par son seul réalisateur.