Chaque semaine, un extrait du livre Le montage, technique et esthétique.
2. LES ÉTAPES AVANT ET APRÈS LA SALLE DE MONTAGE
« Si mettre en scène est un regard, monter est un battement de cœur. » Jean-Luc Godard
Où commence le montage ? À la première rencontre avec la réalisation ? À la première lecture d’un scénario ? Au premier jour de tournage ? Quand se termine-t-il ? Une fois rendues les clés de la salle ? Une fois le film mixé ? À la première projection ?
Il s’agit dans ce chapitre de contextualiser l’étape du montage dans l’ensemble du processus de création d’un film, mais sans entrer dans le détail du travail qui se fera en salle de montage. Car le montage ce ne sont pas seulement les 5, 12 ou 22 semaines que l’on passe devant sa machine, cela commence bien avant le tournage et se termine la plupart du temps à la projection devant public du film.
2.1 Avant le tournage
2.1.1 La rencontre entre la réalisation et le montage
Le montage d’un film démarre par une rencontre. La rencontre du réalisateur ou de la réalisatrice avec le monteur ou la monteuse. La plupart du temps cette rencontre se fait par l’intermédiaire du réseau de l’un ou de l’autre, ou à l’initiative de la production.
Les premiers échanges naissent autour du scénario : il s’agit d’une prise de contact pour voir si le désir de collaboration autour du projet est réciproque. Ensuite, réalisation et montage se rencontrent pour parler du film, du parcours de chacun·e, des questions artistiques. Ce premier rendez-vous est également l’occasion d’un échange plus général sur la vie, le monde, les engagements et les goûts cinématographiques et esthétiques de chacun·e.
Il arrive de plus en plus fréquemment que la réalisation rencontre plusieurs monteurs et monteuses, on parle de casting. Il arrive aussi que la production suggère ou impose son choix, en particulier dans le cas d’un premier film. La plupart du temps, le choix du monteur ou de la monteuse s’effectue dans un dialogue entre la production et la réalisation. Pour un réalisateur ou une réalisatrice, le choix se fait souvent autour de la qualité relationnelle et de la complémentarité artistique. Sont également pris en compte l’apport que le monteur ou la monteuse est en mesure de proposer au regard de son expérience et de sa cinéphilie.
La production, elle, cherche souvent à savoir si le montage a « les épaules ». Car les monteurs et les monteuses portent la responsabilité de la dernière écriture du film, ils doivent pouvoir travailler dans un temps limité avec parfois une nouvelle orientation à donner au récit. La production se soucie également des qualités relatives à la psychologie du monteur ou de la monteuse. Pouvoir accompagner un·e artiste dans sa création nécessite une excellente capacité à dialoguer.
Tous s’accorderont à dire que trouver la collaboration idéale est un enjeu, car lorsque « le mariage » entre la réalisation et le montage est réussi, naît un tandem qui peut fonctionner tout au long de la carrière de l’un et de l’autre. C’est la collaboration au long cours. En revanche, lorsque l’alliance ne fonctionne pas, ou mal, il arrive que l’on change d’équipe en cours de route, mais cela reste rare.
2.1.2 Monter son équipe : l’assistant·e au montage
C’est le monteur ou la monteuse qui choisit, ou non, de travailler avec un assistant ou une assistante. Il arrive parfois que le budget du film ne permette pas de prendre un·e assitant·e. Mais alors, le travail du montage est alourdi de tout ce qui revient à l’assistant·e. Ce travail cumulé représente un temps considérable et une énergie que l’on pourrait presque considérer comme « volée » à la création et au montage. L’assistant·e accompagne le montage, rend le travail plus fluide entre les équipes et connaît l’ensemble du processus de production.
2.1.3 Le travail de l’assistant·e au montage
L’assistant·e est chargé·e, sous la supervision du monteur ou de la monteuse, de la préparation technique du projet : vérification du travail effectué par le laboratoire (voir chap. 8, § 8.2), process technique de travail, synchronisation des rushes. Il gère également la communication avec les différentes équipes (tournage et après tournage) : appels téléphoniques, mails, réunions techniques, gestion logistique des coursiers, des navettes, des téléchargements, des uploads vimeo, des projections, etc.
L’assistant·e peut être amené·e à prémonter des séquences, à caler des musiques, à préparer le montage son, à maquetter et à gérer les plans à truquer. Selon les films et en fonction de leur budget ou de la durée du montage, l’assistant·e est présent·e sur toute la durée du travail ou sur des temps plus courts (au début du montage et à la fin). Une faible présence de l’assistant·e, ou une présence en décalé des périodes de travail du monteur ou de la monteuse, peut entraver la transmission si précieuse de l’art du montage.
L’assistanat au montage est devenu un métier à part entière et n’ouvre plus forcément la voie pour devenir monteur ou monteuse. L’assistant·e est un·e super-secrétaire, pointu·e techniquement, sensible aux problématiques narratives cinématographiques, ayant une excellente connaissance de tous les métiers, du tournage aux finitions, et des capacités d’organisation, de synthèse et de communication. Il est aussi la mémoire du film tout au long du projet.